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1 février 2013

PORTAIT – El HADJ DIA (ANCIEN PRESIDENT DE LA FEDERATION SENEGALAISE DE JUDO).

L’insoumis

 

El Hadj Moussa Dia, ex-président de la fédération sénégalaise de judo. Obsédé par la réussite, cet homme est une sorte de rescapé de la vie,  déterminé à prendre sa revanche sur le sort.

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Gaëlle YOMI

Si  la Saint-Sylvestre (31 décembre) rime pour beaucoup avec festivité, tel n’est pas le cas d’El Hadj Dia. Car, le désormais ex-président de la Fédération sénégalaise de judo (Le ministre des Sports, Mbagnick Ndiaye, a retiré jeudi dernier par arrêté ministériel la délégation de pouvoir à la Fédération sénégalaise de judo et disciplines associées et remplacé El Hadji Dia par le colonel Massamba Diop, Ndlr)  a vu sa vie défiler en moins d’une minute lors d’un grave accident de la circulation, un certain 31 décembre 1984. A l’arrière de la moto d’un ami, ils sont heurtés de plein fouet par un taxi. Résultat des courses : un traumatisme crânien pour son copain et fracture du fémur plus rupture des tendons d’Achille pour lui. Il passera 6 mois à l’hôpital principal de Dakar pour s’en remettre. Cette épreuve, qui aurait pu lui être fatale, n’est pourtant pas la plus douloureuse de son existence. Pire : la disparition de sa maman en 1998 a laissé plus de traces sur lui. Pour elle, El Hadji Dia, 51 ans, tord le cou à l’affirmation selon laquelle un homme ne pleure pas. La douleur toujours vivace, le bonhomme a besoin de quitter son fauteuil quelques minutes avant de terminer la narration de ce décès. Son visage souriant à l’accueil, dans sa résidence de la villa rose (réservée aux officiers de l’armée), s’assombrit subitement et se laisse envahir par des larmes de tristesse.   

Dans son salon aux fauteuils en cuir marron, avec un grand tableau arborant le nom du prophète Mohamed, El Hadj Dia dévoile toute sa sensibilité. Il faut dire qu’en tant que benjamin d’une fratrie de 11 enfants, il avait développé une relation particulière avec sa maman. Alors, de n’avoir pu être là pour lui dire au revoir, il prendra du temps pour s’en remettre. En déplacement avec le Sénégal aux Jeux de la Francophonie à Madagascar, la nouvelle lui parvient dans le vol retour, 4 jours après le décès. «J’avoue que c’était la nuit la plus longue de mon existence, confie-t-il, la voix mélancolique. Le lendemain, il a fallu que j’aille au cimetière pour réaliser. C’était dur mais j’ai quand même pu assister au 8e jour. Le jour de son décès, le vendredi 5 septembre 1998, le Sénégal avait battu la France en finale du Basket.» Il lui aura fallu réapprendre à vivre.

«Doc ou pas Doc» 

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Originaire d’Aéré Lao dans le Fouta, l’ancien patron du judo sénégalais a gardé une relation spéciale avec les hôpitaux. Passé son traumatisme des 6 mois d’internat à l’hôpital principal à 23 ans, le jeune homme décide d’embrasser une carrière de médecin. Il intègre donc la Faculté de médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar avec un bref passage à Bamako, au Mali. Là-bas, il est frappé par le virus de la délégation médicale. Adieu la blouse de docteur, bonjour les laboratoires. N’en déplaise à son modèle de toujours, le professeur de médecine, Seydina Issa Laye Sèye, qui aurait voulu le voir suivre ses traces. Ce dernier, avec qui il déjeune chaque samedi depuis 30 ans, confesse : «El Hadj est un homme disponible, gentil et parfois un peu naïf. Il fait confiance à tout le monde, je suis convaincu qu’il aurait été un excellent médecin.»

La médecine ne quitte pas notre bonhomme puisque son épouse, il la rencontre à l’hôpital Le Dantec. A l’époque, madame était «en 4e année de médecine» et bien plus…«Elle était toute petite et j’ai été étonné de savoir qu’elle était militaire, raconte-t-il. A chaque fois qu’on sortait ensemble, les gens se mettaient au garde à vous car elle était officier.» Pour quelqu’un de pas copain- copain avec l’ordre, ça tombe plutôt bien. D’ailleurs, la décoration de la maison, comme ses vêtements traditionnels, tel le boubou gris demi-saison qu’il arbore, sont à mettre à l’actif de son épouse, décoratrice à ses heures perdues. Après 15 ans de vie commune, El Hadj Dia réalise qu’il fut le premier civil à épouser une femme militaire au Sénégal ! Cela lui a valu une enquête de moralité très spéciale. Le formulaire, jusque-là adapté aux femmes, lui a été soumis in extenso. «Je me marre encore », dit-il, en se souvenant de cet épisode particulier. « On m’a demandé : où voudriez-vous accoucher ? Pouvez-vous vivre dans un camp militaire avec d’autres femmes ? J’ai dû dire : je ne peux pas répondre».

Aujourd’hui, il est le papa d’une fille de 12 ans et d’un garçon de 14 ans qui savent comment le mettre à l’écart d’une conversation avec leur mère puisque leur papa ne parle pas un traitre mot de Pulaar pour n’avoir jamais mis ses pieds au Fouta. «Elou bébé», comme l’appelait affectueusement son épouse, se sent parfois bien seul à la maison. Accro à l’actualité, El Hadj Dia se sépare difficilement de son Ipad. La maison familiale est d’ailleurs équipée de trois téléviseurs pour éviter toute dispute avec les enfants et leur maman.  

Echecs fédéraux

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Dans une armoire au coin du salon, des coupes et médailles sont exposées. «C’est le coin que je préfère le plus alors que ma femme le déteste», sourit l’ancien président de la fédé de judo. Parmi les médailles figurent quelques-unes des débuts d’El Hadji Dia sur les tatamis. Le judo, il y est accro depuis le bas âge. Pour palier à sa timidité, son grand frère l’inscrit au Dojo national Amara Dabo à 8 ans. Au fil du temps, il prend goût à la discipline. Après un brillant parcours en cadet et junior, il est contraint de mettre un terme à sa carrière sénior à 23 ans à cause de sa fracture au niveau du fémur contracté lors de son accident de circulation en 1984. Son mentor, Me Amara Dabo, le convainc alors de s’investir dans le volet administratif du judo. Ainsi démarre une longue histoire d’amour parsemée d’embuches. Après  trois ans de vice-présidence en 1999, il s’empare contre toute attente des rênes de la Fédération au détriment de son père spirituel, Amara Dabo. Celui-là même qui l’avait supplié d’être secrétaire général dans les années 90. Son élection est vue comme une haute trahison par plusieurs. Lui, affirme plutôt avoir volé au secours de son mentor suite à un après-midi de réflexion. «Je savais qu’il y avait un coup qui se tramait derrière Me Dabo, narre El Hadj Dia. Les gens sont venus me voir et m’ont dit qu’il faut que je me présente. Ils voulaient du sang neuf. De manière spontanée, j’ai accepté.  J’avoue que je n’étais pas préparé à ça. C’était pour moi une manière de dire que l’élève peut remplacer le maître. La preuve, dès que j’ai pris les rênes de la Fédération, mon premier geste a été de dire qu’Amara Dabo sera mon premier conseiller.»

L’homme, haut d’un mètre 72 pour 63 kg, quitte temporairement le pouvoir de 2003 à 2005. Suite à un différent entre la Fédération et le ministre des Sports de l’époque, Joseph Ndong, ce dernier signe un arrêté qui démet la Fédération pour laisser place à un Comité national provisoire (CNP). L’histoire va donc bégailler puisque depuis jeudi dernier, le ministre des Sports, Mbagnick Ndiaye a signé un arrêté retirant la délégation de pouvoir à la Fédération sénégalaise de Judo. Il lui est reproché de n’avoir pas respecté la tutelle lors de son Assemblée générale organisée le 4 novembre 2012 en l’absence de la tutelle et du Cnoss. Une nouvelle qui laisse sans voix son meilleur ami, le Pr Seydina Sèye. «C’est vous qui me l’apprenez, indique l’ami de Dia. Ça doit être très difficile pour lui, je vais l’appeler. Il s’est trop dépensé pour le judo. Physiquement, humainement et financièrement.»

Dépeint comme un homme de consensus, El Hadj Dia met un point d’honneur à respecter les autres. De Mbaye Boye, ami d’autrefois qui fait partie aujourd’hui de ses principaux détracteurs, il affirme que son éducation ne lui permet pas de confirmer qu’ils ont des problèmes. «Je ne sais pas ce que nous réserve l’avenir, lâche-t-il,  peut être demain on pourra se retrouver». Espoir légitime si l’on sait que les deux hommes passaient des journées entières au domicile de Dia pendant plus de 15 ans. La goûte d’eau qui a fait déborder le vase est une sortie télévisée de Mbaye Boye en septembre 2012. «Je l’ai vu me taxer de tous les maux lors d’une émission. J’étais avec ma famille, ça m’a fait mal et depuis lors j’ai préféré garder mes distances avec lui. Ma femme a très mal pris ça, pourtant c’était sa grande amie», se désole-t-il. Détenteur d’une ceinture noire 4e dan, le point faible d’El Hadj reste sa famille. «Le premier qui s’en prendra à ma vie privée, je porterai plainte contre lui, prévient-il. Je ne badine pas avec ça. Celui qui me dit je t’aime, je lui dis pareil, celui qui me dit je ne t’aime pas, je lui dis je te déteste. Telle est ma philosophie».

El Hadj Dia reconnait que son «ami » Mbaye Boye, initiateur du tournoi international de Saint-Louis, est quelqu’un qui aime le judo et qui défend ses amis. «Il est d’un commerce facile, ce qui lui permet d’avoir la sympathie des gens. Je lui souhaite de s’épanouir, qu’il ait la paix et qu’il assume ses actes».

Le politicien

Ce passionné de zouk, qui ne lit pas beaucoup depuis le lycée et qui a grandi au quartier dakarois de Reubeuss, envisage de prendre une retraite paisible d’ici 2028. Au menu, un passage à la Mecque car son El Hadj, il le tient de son homonyme, El Hadj Mamadou Moussa Ly, érudit de l’islam au Sénégal. Mais avant, le bonhomme se dirige vers une carrière politique. Adhérent des premières heures de la Génération du concret de Karim Wade lors des travaux pour l’Anoci, son chemin vers le sommet se fera désormais aux côtés d’Aminata Tall. La nouvelle présidente du Conseil économique et social est tout simplement sa seconde maman. Il décrit cette dernière comme une femme de refus, allergique à l’injustice. «Parfois, j’ai un complexe devant elle», confesse-t-il. Il compte donc prendre de la graine à ses côtés afin de postuler lors des locales de 2014 dans la commune de Dakar-Plateau où il n’avait pu être élu lors des municipales de 2009 sur la liste Diopsy. Du judo à la politique, El Hadji Dia reste toujours sur le champ de  bataille.

 

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