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11 décembre 2011

Sacerdoce ou privilège

Qu’est-ce qui fait courir les présidents de fédération ?

 

Le caractère dérisoire du budget alloué au ministère des Sports devrait décourager leur profusion, et pourtant les fédérations sportives foisonnent  au Séngal. Au même moment pour certaines disciplines, les licenciés se font rares au Sénégal, d’où la sempiternelle équation de l'arbitrage budgétaire. Enquête.


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En cette période de vote budgétaire pour les différents ministères à l'Assemblée nationale, l'enveloppe  allouée au sport,  malgré une hausse de près de 2 milliards de Fcfa, sera une nouvelle fois insuffisante pour satisfaire toutes les fédérations (8.809. 266.000 Fcfa pour 2012 contre 6. 740.720.210 Fcfa en 2011). En effet, la mission dantesque de la tutelle est celle de l'arbitrage budgétaire au vu du nombre des fédérations sportives  existant au Sénégal. Comment ces fédérations sont-elles mises sur pieds?  Quel est leur mode de fonctionnement?  Quels avantages en tire les présidents et membres du bureau? Pourquoi un nombre considérable d'hommes politiques sont-ils à la tête des fédérations?  Quel avenir pour les petites fédérations?  Avec l’éclairage de certains acteurs, voici quelques  éléments de réponse.

 

Pourquoi la pléthore de fédérations ?

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La création  d'une fédération sportive répond à un processus assez simple car toute association, légalement reconnue par l'Etat, peut aspirer  à ce statut en déposant gratuitement une demande de reconnaissance adressée au ministre  des Sports. Dans un délai d'une semaine à un mois,  la tutelle valide le dossier en délivrant une lettre de mission du ministre octroyant une délégation de pouvoir à la fédération et qui lui fixe des orientations. La procédure, qui est gérée à la Direction des Activités Physiques et Sportives (Daps,) doit tout de même remplir d'autres critères tout aussi importants sinon essentiels. Inscrire ses activités dans le cadre de celles des fédérations internationales, exercer ses activités sur l’ensemble du territoire national, disposer d’un siège, posséder les organes de directions suivants : Fédération ou comité au niveau national, Ligue ou comité au niveau régional, district au niveau départemental. Par dérogation, certains groupements peuvent, en raison de leurs spécificités, être investis de la délégation de pouvoirs selon les mêmes conditions. Ces renseignements sont disponibles sur le site internet du ministère des Sports, et malgré le fait qu’il na pas été actualisé depuis 2009, c’est la même procédure qui est toujours en vigueur.

Une fédération sportive étant un regroupement de clubs ou d’associations ayant un but déterminé, elle  doit disposer d’un groupe représentatif, organiser auparavant une assemblée générale constitutive, disposer sur une discipline sportive un nombre de pratiquants assez significatif.  Le dernier critère entre généralement en compte pour déterminer la création d’une fédération ou d’un comité national provisoire (Cnp). Toutefois, le nombre croissant  de pratiquants ne garantit pas la survie effective des fédérations. Il faut une bonne gestion pour se faire une place au milieu des plus de 47 fédérations et mouvements associatifs que compte le Sénégal. D’ailleurs en août 2010, le Comité National Olympique et Sportif Sénégalais (Cnoss) avait dégagé 52 enveloppes en guise de subvention aux différentes familles sportives.

 

L'équation du financement

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Les fédérations et mouvements sportifs ont pour principale mission d’assurer l’animation, l’organisation, la gestion et la promotion de la discipline dont ils ont la charge. Comme frein dans  l’atteinte de ces objectifs, les différents présidents de fédérations évoquent l’épineuse question des moyens de financement. Ainsi, l’application du cahier des charges s’apparente plus à un défi pour le président de la fédération sénégalaise de Judo. « Le grand défi pour nous est de tenir un championnat régulier et d’exécuter notre calendrier. Vu le déficit de financement nous nous rabattons sur les mécènes. Une compétition de judo nécessite en moyenne un budget d’un million à deux millions, sur une année le budget avoisine les 40 à 50 millions et nous n’avons pas de subvention. Ce n’est pas évident de respecter tout le calendrier », indique El Hadj Dia. Le financement est également défini comme le talon d’Achille de la gestion fédérale par son compère de la fédération sénégalaise de Karaté. « En tant que président de fédération, les principales difficultés de gestion que nous rencontrons concernent la finance : les moyens pour organiser les compétitions nationales et participer aux compétitions internationales de manière convenable. L'assistance que nous recevons de l'Etat, à travers le ministère des Sports, est insignifiante par rapport à nos besoins réels pour le développement », explique Souleymane Gaye.

Le président de la fédération sénégalaise de handball  reconnait l’insuffisance des moyens financiers mais tient à rappeler qu’il y a deux préalables plus importants qui rendent la gestion difficile. « Même si nous avons 10 milliards de Fcfa, le problème d’organisation est d’abord à régler.  Les ressources humaines des fédérations, au niveau du comité directeur,  proviennent des ligues et districts. Pourtant au niveau des districts, il n’est pas évident d’avoir des ressources humaines de qualité pour mettre sur pieds des bonnes bases.  Le bénévolat est bien, mais il faut voir si ces personnes sont capables d’organiser la vision sportive de la fédération. Les gens gravissent les échelons et arrivent au comité directeur avec le même profil qu’ils avaient au niveau des ligues et aux districts. Il faut donc régler le problème du profil des dirigeants sportifs », révèle le député Seydou Diouf, avant de poursuivre : « Ensuite, il y a un problème de conception et de réalisation des politiques sportives dans la durée. C’est moins un problème de financement mais plus une question de vision sur le développement du sport. On a tendance à tout ramener au financement. Les techniciens doivent se charger de mettre en œuvre les programmes de la Dtn, par exemple au niveau du handball, nous n’avons pas de conseiller technique régionaux  pour poser les fondements ».   Concernant à présent le financement, le fédéral pense que c’est le lot de toutes les fédérations car elles évoluent dans un domaine concurrentiel pour la recherche des sponsors. Toutes les disciplines sportives n’étant pas adulées de la même manière, Seydou Diouf note que le football et la lutte attirent le gros des sponsors et laissent seulement 5% du sponsoring aux autres fédérations. De ce fait « l’Etat doit moins venir en aide au football », propose-t-il. Même si le président de la fédération de football, Augustin Senghor, reconnait que sa discipline est mieux lotie que les autres, il n’en demeure pas moins que la Fsf tient au soutien de l’Etat. « Le gouvernement doit moins injecter d’argent  dans le football. L’aide de l’Etat doit davantage être ciblée. L’équipe A de football n’a pas de problèmes de sponsoring, alors l’appui étatique doit se diriger vers les sélections olympiques,  locales, féminines et le championnat. L’adoption d’une logique de péréquation (partage) est nécessaire afin que les petites disciplines soient convenablement soutenues. Il faut aller vers les nouveaux modes de financement du sport », détaille Seydou Diouf.  Pour le président de la fédération de Karaté, il faut déjà mettre en application les programmes de développement en vigueur pour aider réellement les fédérations moins visibles. « Les Fédérations jugées minoritaires sur le plan de l'impact et des résultats, non prises en compte dans l'arbitrage budgétaire, devraient être aidées par le ministère des Sports, à travers des programmes de développement au plan national. C'est ce qui est prévu mais ce n'est pas entièrement appliqué », rappelle Souleymane Gaye.

 

 

Entre petites  fédér et « super présidents »

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Malgré les difficultés, le nombre de fédérations augmente  de plus en plus au Sénégal. Pour certains acteurs, il serait plus judicieux de mettre sur pied des confédérations à la place de plusieurs fédérations qui ont des similitudes.  « Les gens veulent voler de leurs propres ailes. Cette situation donne place à l’existence de petites fédérations. Moi je suis pour la formation des confédérations. Même des pays comme l’Italie le font avec les sports de combats qui sont réunis dans une seule entité y compris la  lutte. Les critères de création doivent être plus stricts », explique El Hadj Dia. L’avis du patron du judo national n’est pas entièrement partagé par son homologue de la fédération de Karaté. « C'est un problème d'appréciation, le nombre de fédérations n'est pas trop élevé. Les différentes disciplines correspondent le plus souvent à des fédérations internationales qui existent. Le regroupement ne devrait concerner que les disciplines naissantes au Sénégal et de même nature, où le nombre de pratiquants est encore très réduit », renseigne Souleymane Gaye. Alors, à côté de l’athlétisme, qui malgré ses difficultés financières parvient à dépasser la barre de 2200 licenciés en 2009 contre 2452 en 2011, une  discipline comme la pétanque voit le nombre de ses pratiquants chuter. De 515 licenciés pour 10 clubs en 2004 selon les indications du site internet du ministère des sports, la fédération a vu 32 licenciés prendre part aux activités en 2011, indique le secrétaire général de l’instance fédérale, Massal Sow Ndiaye. Ce dernier explique  que de nombreux clubs sur les 30 existants n’ont pas pris part aux activités faute de moyens. Les Cnp sont dans la même situation et pour s’en sortir le choix des présidents des fédérations se porte parfois sur des personnes aux portefeuilles bien garnis. L’argent étant plus  susceptible de se trouver chez des hommes politiques et hommes d’affaires qui sont portés aux têtes des fédérations. Entre Abdoulaye Baldé, ministre d’Etat, président de la fédération de voile, Moubarack Lô, économiste et politicien engagé chef du taekwondo sénégalais, Baba Tandian homme d’affaire  président du basket, Seydou Diouf député et gérant handball, la mode est d’avoir des « présidents capable ». Cela garantit au moins l’organisation d’une compétition majeure dans l’année. Le président du Cnp de Kick Boxing connait bien cette situation. Mansour Diop et ses camarades sont souvent obligés d’attendre la venue de techniciens internationaux pour faire d’une pierre deux coups en procédant à la tenue du championnat national et un stage de formation. La défense de la ceinture mondiale de Boubacar Ndiaye en octobre dernier à Marius Ndiaye a servi au Cnp pour effectuer  l’ouverture de la saison nationale. La fédération de cyclisme profite de projecteur de plus en plus faible sur le tour du Sénégal organisé par le promoteur Michel Thioub, pour mettre ses activités en valeurs. Le choix des présidents ayant une assise financière n'est pas par défaut selon Seydou Diouf : « Il faut comprendre que j’ai toujours été un membre actif au sein de la fédération. Je faisais partie du Comité Directeur et les gens sont venus me voir pour me demander de diriger la discipline. C’est vrai que lorsque des gens ont des difficultés financières, ils jettent leur dévolu sur une personne qui a un portefeuille relationnel conséquent. Mais le handicap c’est que nous manquons souvent de temps. Toutefois sans passion on ne peut pas faire avancer les choses ».

 

Des fédérations sans sièges

 

Si les textes exigent que les fédérations disposent de sièges, certaines n’en possèdent pas. Le gros des fédérations et Cnp sont logés dans les trois principaux stades que sont Demba Diop, Iba Mar Diop et Léopold Sédar Senghor au moment où d’autres partagent des enceintes d’établissement (Cnp de baseball/sofball),  des mairies (Régate), des boutiques de sport (Cyclisme), sont sous couvert du ministère des sports (Ski), etc. Selon El Hadj Dia, le fait que le ministère ne prenne en charge que les compétitions internationales lors de l’arbitrage budgétaire ne permet pas réellement à la tutelle de sanctionner et de dissoudre des fédérations pour non respect du cahier de charge. Pourtant un mois avant l’ouverture de chaque saison sportive, tout organisme sportif délégataire de pouvoirs doit communiquer au Ministre des sports, le bilan administratif et financier de l’année écoulée, l’état de ses statistiques et le programme annuel d’activités. La délégation de pouvoirs peut être retirée par arrêté du Ministre chargé des Sports pour « manquement grave constaté par l’autorité de tutelle, non respect des obligations spécifiques contenues dans la lettre de mission, absence de garantie morale, technique et financière dans l’accomplissement de la mission assignée, manquements graves aux règles techniques et à l’éthique des fédérations internationales », indique les textes.

 

 

 Encadré

 

Le Ski sénégalais : la vision d’un pour tous

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Le Ski est la discipline  qui a fait entrer le Sénégal dans l’histoire des sports d’hiver avec Lamine Gueye comme premier skieur d’Afrique noire à avoir participé aux JO d’hiver (1984 à Sarajevo). Président du Cnp depuis 1979, le patron de l’instance qui pourrait bien porter le nom de fédération des sénégalais de l’étranger, Lamine Gueye a réussi à obtenir le statut de Cnp avec détermination et malice, pour être affilié à la fédération internationale de Ski : «  Je rédige les statuts de la fédération en trois langues, et je triche en précisant que nous sommes quarante-sept skieurs, alors que je suis bel et bien le seul. J’expédie les déclarations au ministre des Sports du Sénégal, et au président Léopold Sédar Senghor, qui y répond personnellement. Il me réserve un accueil chaleureux et je suis scotché par ses connaissances en ski » témoignait-t-il dans le magazine Paris Match en 2008. Après 32ans d’existence, la question de la pertinence d’avoir une fédération de ski pour un pays d’Afrique noire comme le  Sénégal est toujours d’actualité. Et le skieur, qui a à son actif la participation à trois olympiades, ne se lasse pas de l’expliquer : « On n'oblige pas les gens, chez nous, à faire du ski. Un siècle en arrière, les Sénégalais ne voyageaient pas. Aujourd'hui, des Africains se trouvent à un moment de leur vie en Italie, en Islande, au Canada pour faire des études ou autre. Le monde n'est plus aussi limité géographiquement qu'avant. Des gens découvrent ce sport et ils l'adorent. La Suisse a gagné la coupe de l'America et pourtant il n'y a pas de mer en Suisse. Et est-ce qu'on dit à la Suisse, vous ne faites pas la coupe de l'America? Vous imaginez la façon dont ça restreint le sport. A une époque, les courts de tennis et les terrains de golf étaient aussi interdits aux noirs. Il y a une ouverture générale aujourd'hui et il n'est pas question que le sport n'en fasse pas partie », a-t-il déclaré en 2009 au site 20minutes. Fr . Sur la page du réseau social facebook du ski sénégalais, le Secrétaire général du Cnp, Doudou Seck a tout de même pu décrocher 61 sympathisants. Un Cnp qui a pour seul objectif de conserver l’esprit olympique.

 

Quand les présidents de fédération se défendent  

 

Si pour les observateurs, l’envie de voyager à travers le monde pour prendre part aux colloques des fédérations internationales  et les perdiem restent leurs principales motivations, des fédéraux démentent et considèrent plutôt la charge comme un sacerdoce.

 

El Hadj Dia, président fédération de Judo : « la passion nous guide »

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« Nous ne sommes pas payé, c’est la passion qui nous guide. En tant que sportif, le poste de président de fédération est tout de même le summum de la reconnaissance. L’avantage serait qu’on a la reconnaissance de ses pairs, on gagne en notoriété en tant qu’homme public ».

 

Baba Tandian, Président de la fédération de basket : « Je rends au Basket ce qu’il m’a donné »

 

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« Nous avons fait un serment avec mes amis de changer l’image du basket sénégalais. La touche nouvelle consiste à s’attaquer au nerf de la guerre qui est un problème de moyens. J’ai présenté un projet viable qui a séduit le mouvement associatif en développant un système qui va apporter de l’argent. Au basket, je ne fais que rendre ce que j’ai reçu ».  (Déclaration faite après son élection en 2010).

 

Souleymane Gaye, président fédération de Karaté : « L’amour de la responsabilité »

 

«Il y a la considération sociale et l'amour de la responsabilité de diriger un groupe. En contrepartie, il faut être au service du groupe à tout moment, accepter de sacrifier une partie de sa vie de famille, rechercher des moyens pour aider la Fédération. Vivre, partager la vie d'une passion avec les membres du groupe, qui finalement constituent votre famille ».

 

 

Massal Sow Ndiaye, Secrétaire général de la fédération de  Pétanque, « Nous aimons ce que nous faisons »

 

« Le président Gassan Ezzedine et les membres du comité se démènent pour financer les activités. Malgré l’absence de sponsors nous sommes toujours là et  la raison est toute simple : nous aimons ce que nous faisons. Je suis secrétaire général depuis 1985, si je ne désirais pas le développement de cette discipline je ne serai plus là. Les sports de boules ne disparaitront pas, malgré les difficultés ».

 

 

 

 

Gaëlle YOMI 

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